6.

 

 

Tucker posa les pieds sur le bureau de Burke et croisa les jambes. Attendre ne le dérangeait pas. Attendre était même une des choses qu'il savait faire le mieux. Ce qui était souvent interprété comme une paresse invétérée, y compris par Tucker lui-même, était en fait une infinie patience naturelle, et le signe d'un esprit aussi lucide que serein.

Pour l'heure, néanmoins, son esprit n'était pas aussi dégagé qu'il l'eût souhaité. Au vrai, il n'avait pas bien dormi la nuit précédente. Un petit somme en attendant le retour de Burke lui parut un moyen sensé de passer le temps.

Il n'avait pas fallu longtemps pour que la nouvelle du débarquement du FBI en ville parvînt jusqu'à Sweetwater. Tucker savait déjà que l'agent spécial Burns s'habillait comme un croque-mort et conduisait une Mercury jaune métallisé. Et qu'il était actuellement à l'étang des McNair en train de faire tout ce qu'un type du FBI fait d'ordinaire sur les lieux d'un meurtre.

Un meurtre... Tucker poussa un petit grognement et ferma les yeux — il n'y avait pas mieux pour se détendre. Assis là, à l'écoute du grincement du ventilateur et de la plainte du conditionneur d'air déficient, il lui paraissait incroyable qu'Edda Lou Hatinger fût étendue sur une planche à quelques pâtés de maisons du poste, dans les locaux des Pompes funèbres Palmer.

Il repensa soudain à sa résolution de répondre coup pour coup aux menées de la jeune femme. Il ressentit un certain embarras, puis une terreur pure et simple qu'il voulut aussitôt oublier.

Mais il y avait pis encore : cet affrontement, il l'avait recherché ; il avait ardemment désiré entendre le gémissement de désespoir qu'aurait poussé cette sale petite opportuniste en comprenant enfin qu'elle n'était pas près d'être la nouvelle maîtresse de Sweetwater.

Cela dit, il n'aurait pas eu besoin de lui régler son compte pour autant. Ni de la couper en morceaux pour venger les égratignures faites à son honneur.

Maintenant, parce qu'il avait commis l'erreur de trouver sensuelle sa manière d'enfoncer les touches de sa caisse enregistreuse chez Larsson, et parce qu'il s'était complu à partager son lit et à jouir de la douceur de sa peau, il allait devoir se forger un alibi pour ne pas être suspecté de son assassinat.

On l'avait accusé de nombreux forfaits par le passé. De paresse, ce qui n'était pas un péché à ses yeux. D'insouciance vis-à-vis de l'argent, ce qu'il était le premier à reconnaître. D'adultère, ce qu'il déniait farouchement : jamais il n'avait couché avec une femme mariée — à l'exception de Sally Guilford, qui était alors légalement séparée de son conjoint. Et enfin de lâcheté, qu'il préférait pour sa part appeler de la réserve.

Mais de meurtre... Enfin, ce serait risible si ce n'était aussi effrayant. Son père — Dieu ait son âme — en serait mort de rire. Ce dernier, le seul être pourtant qu'il eût jamais craint de sa vie, avait épuisé en vain menaces et réprimandes durant les parties de chasse auxquelles il le contraignait à assister : Tucker Longstreet n'avait jamais réussi à tuer que des courants d'air.

Bien sûr, Edda Lou n'avait pas été victime d'un coup de fusil. A supposer qu'elle eût été tuée comme les autres. Hélas, il lui suffisait de remplacer le visage de la pauvre Francie par celui d'Edda Lou pour savoir aussitôt ce qu'il était advenu de la peau douce et blanche de la jeune femme. Il fouilla dans ses poches à la recherche d'une cigarette.

Il en avait arraché un morceau — plus d'un demi-centimètre — et s'apprêtait à l'allumer, lorsque Burke pénétra dans le poste en compagnie d'un homme en complet sombre à la peau luisante de sueur et à la mine contrariée.

Une journée ou presque avec l'agent du FBI n'avait pas mis le shérif dans les meilleures dispositions. Il avisa les pieds de Tucker d'un air peu amène tout en lançant son chapeau sur la patère près de la porte.

— Fais donc comme chez toi, fils.

— Je m'y applique, répliqua Tucker en expirant un nuage de fumée.

Malgré les soubresauts de son estomac, il gratifia Burke d'un sourire indolent.

— Tu devrais renouveler ton stock de magazines, Burke. Pour se divertir l'esprit, il y a quand même mieux que Ruisseaux et Pâtures ou Armes et Munitions.

— Je veillerai à me procurer quelques numéros de Vogue Homme et de People.

— Je t'en serais reconnaissant.

Tucker inhala une nouvelle bouffée de tabac tout en examinant le compagnon de Burke. Bien que la chaleur eût fait godailler son costume sombre, ce dernier n'avait pas eu le bon sens de desserrer sa cravate. Il n'aurait su dire pourquoi, mais ce simple détail lui fit prendre le bonhomme en aversion.

— J'ai pensé que ce serait une bonne idée de venir vous parler, les gars, reprit-il.

Burke approuva d'un signe de tête. Puis, désireux de recouvrer son autorité, il contourna son bureau.

— Tucker Longstreet. Agent spécial Burns.

— Bienvenu à Innocence.

Tucker tendit la main sans se lever. Il fut ravi de constater que celle de Burns était molle et légèrement moite.

— Qu'est-ce qui vous rend donc spécial, agent Burns ?

— La mission pour laquelle je suis ici.

Burns prit note des espadrilles éculées de Tucker, de son dispendieux pantalon de coton et de son sourire narquois. L'aversion fut réciproque.

— De quoi vouliez-vous nous parler, monsieur Longstreet ?

— Eh bien, pour commencer, de la pluie et du beau temps, répondit Tucker en ignorant le regard courroucé de Burke. D'ailleurs, on dirait bien que l'orage approche. Ça va peut-être rafraîchir l'atmosphère pendant quelque temps. Et si on causait baseball ? Les Loriots rencontrent les Yankees ce soir. Les oiseaux ont engagé une sacrée équipe de lanceurs, cette année. Pourraient l'emporter haut la main.

Il s'interrompit pour tirer de nouveau sur sa cigarette.

— Vous êtes joueur, agent spécial ?

— Je crains de ne point manifester d'intérêt fervent pour le sport.

— Oh, ne vous excusez pas, dit Tucker en bâillant, le corps à l'horizontale sur sa chaise. Je ne manifeste pas non plus d'intérêt fervent pour grand-chose. La ferveur, voyez-vous, c'est bien trop fatigant.

— Allons au fait, Tuck, intervint Burke.

Ses regards n'ayant eu aucun effet sur son ami, il avait adopté un ton aussi paisible que tranchant.

— Tucker, reprit-il, connaissait la victime, Edda Lou...

— Intimement — puisque c'est le mot qui te démange, coupa Tucker.

Son estomac se contracta de nouveau. Il se pencha en avant pour éteindre sa cigarette.

Burns s'installa sur la troisième chaise. Fidèle à ses manières d'une efficacité tatillonne, il sortit un Dictaphone et un calepin de sa poche.

— Vous désirez faire une déclaration, donc.

— Dans le genre « La seule chose dont nous devions avoir peur, c'est la peur elle-même » ? s'enquit Tucker en s'étirant le dos. Franchement, non. Burke ici présent pensait que vous pourriez avoir des questions à me poser. Et comme je suis d'un naturel coopératif, je suis ici pour y répondre.

Burns enclencha le Dictaphone sans sourciller.

— D'après mes renseignements, vous étiez en relation avec la défunte.

— En relation sexuelle, oui.

— Voyons, Tucker.

Il décocha à Burke un coup d'œil irrité.

— En dire plus serait mentir, fils. Edda Lou et moi sommes sortis ensemble deux ou trois fois, avons pris du bon temps et froissé quelques paires de draps.

Son regard se durcit. Il dut se retenir de prendre une autre cigarette.

— Il y a quelques semaines de cela, poursuivit-il, j'ai rompu avec elle parce qu'elle commençait à parler mariage.

— Vous avez mis fin à cette relation en termes cordiaux? demanda Burns.

— Pas vraiment. Je suppose que vous êtes déjà au courant de la scène du café ? Dire qu'Edda Lou était furax serait un doux euphémisme.

— Plus exactement, monsieur Longstreet, le corrigea Burns en tapotant son calepin, vous avez affirmé qu'« elle était en colère et agitée ».

— Mettez les deux ensemble, ajoutez Edda Lou, et ça vous fait furax.

— Elle a prétendu que vous lui aviez fait des promesses.

Tucker plia nonchalamment les jambes. La chaise grinça.

— Voilà le hic avec moi, agent Burns : je ne fais jamais de promesses, car je suis très peu enclin à les tenir.

— Ensuite, elle a déclaré publiquement qu'elle était enceinte.

— Ouais. Exact.

— Après quoi, vous avez quitté le... Chat 'N Chew, n'est-ce pas? Inopinément.

Burns eut un sourire finaud.

— Serait-ce un euphémisme, monsieur Longstreet, de dire que vous étiez... furax?

— De ce qu'elle soit venue me harceler au café pour m'annoncer, devant des douzaines de personnes, qu'elle était enceinte, et pour me menacer ensuite de me le faire payer cher?

Il eut un long hochement de tête méditatif.

— Ouais, reprit-il enfin, c'est un euphémisme.

— Et vous n'aviez pas l'intention de l'épouser?

— Aucunement.

— Aussi, au terme de cette provocation, gêné et pris au piège, aviez-vous un mobile pour la tuer.

Tucker, le sourire aux lèvres, fit courir sa langue sur ses dents.

— Pas tant que je disposais d'un carnet de chèques.

Il se pencha en avant.

— Permettez-moi de clarifier le topo, l'ami. Edda Lou était une fille cupide, ambitieuse et rusée. Bon, elle croyait pouvoir me passer de force l'anneau au doigt, mais elle se serait trouvée plus que satisfaite avec un chèque copieusement « zéroté ».

Il se leva puis, s'étant obligé à prendre une profonde inspiration, il se rassit sur le coin du bureau.

— Je l'aimais bien, vous savez. Peut-être pas autant que jadis, mais suffisamment quand même. Vous ne couchez pas avec une femme telle semaine pour la découper en tranches la semaine suivante.

— C'est pourtant ce qui a été fait.

Une sombre lueur s'éveilla dans les yeux de Tucker.

— Oui, mais pas par moi.

Burns, prudent, déplaça le Dictaphone de quelques centimètres sur la droite.

— Vous connaissiez aussi Arnette Gantrey et Francie Alice Logan.

— Comme à peu près tout le monde dans cette ville.

— Aviez-vous également des relations avec elles?

— Il nous est arrivé de sortir ensemble. Mais je n'ai couché avec aucune.

Il eut un léger sourire.

— Quoique, avec Arnette, ajouta-t-il, ce ne fut pas faute d'essayer.

— Elle vous a repoussé?

— Mon Dieu...

En signe de dégoût, Tucker prit une autre cigarette. Il avait vraiment mal choisi le moment pour s'arrêter de fumer, songea-t-il.

— Nous étions amis et elle ne voulait pas gâcher ça. En fait, elle avait toujours eu le béguin pour Dwayne, mais il n'a jamais su profiter de l'occasion. Quant à Francie, eh bien nous n'en étions encore qu'aux préliminaires.

Il rejeta un morceau de papier et de tabac.

— C'était un ange.

Il ferma les yeux.

— Je ne veux pas parler de Francie.

— Ah tiens?

Tucker sentit la colère le submerger.

— Ecoutez, s'exclama-t-il, j'étais avec Burke quand il l'a trouvée. Peut-être êtes-vous habitué à ce genre de spectacle, mais moi pas. Surtout quand c'est quelqu'un auquel je suis attaché.

— Il est tout de même singulier que vous ayez été attaché à chacune de ces trois femmes, repartit Burns sur un ton anodin. Mlle Logan a été retrouvée à....

Il eut un léger reniflement de dédain.

— ... Spook Hollow, lieu-dit situé à quelques kilomètres à peine de votre propriété. Mlle Hatinger, elle, a été retrouvée dans l'étang des McNair, soit à un kilomètre au plus de chez vous. En outre, vous vous êtes rendu à cet endroit le jour même de votre altercation avec Mlle Hatinger.

— Exact. Ainsi que de nombreuses autres fois.

— Selon Mlle Waverly, lorsqu'elle vous a rencontré, vous aviez l'air tendu et bouleversé.

— Je croyais que nous nous étions accordés sur le terme « furax ». Enfin, ouais, j'étais tout ça. Et c'est pourquoi je suis allé souffler un peu là-bas. C'est un endroit paisible.

— Et retiré. Pouvez-vous me dire ce que vous avez fait du reste de votre soirée, monsieur Longstreet ?

Le moment était venu de mentir.

— J'ai joué au gin avec Josie, ma sœur, répondit Tucker sans sourciller. Elle a profité de ce que j'avais l'esprit ailleurs pour me rafler entre trente et quarante dollars. Après, nous avons pris un verre et nous sommes montés nous coucher.

— A quelle heure avez-vous quitté votre sœur?

— Je dirais vers 2 heures, 2 heures et demie.

— Agent Burns, intervint Burke, je voudrais vous informer que l'après-midi où nous avons retrouvé Edda Lou, Tuck est venu me voir pour me faire part de son inquiétude à son sujet : personne ne l'avait revue et elle ne répondait pas au téléphone.

Burns haussa les sourcils.

— C'est noté, shérif. Comment avez-vous attrapé ce coquard, monsieur Longstreet ?

— Avec le père d'Edda Lou — c'est précisément là que j'ai appris la disparition de cette jeune femme. Son père est venu à la maison parce qu'il s'imaginait que je la cachais. Et puis il s'est mis en tête que je l'avais persuadée d'aller se faire avorter.

— Aviez-vous évoqué un avortement avec la défunte ?

— Défunte, elle l'était avant que j'aie eu l'opportunité d'évoquer quoi que ce soit avec elle, répliqua Tucker en se relevant du bureau. C'est tout ce que j'ai à dire. Si vous avez d'autres questions à me poser, je reste à votre disposition à Sweetwater. A la prochaine, Burke.

Ce dernier attendit que la porte fût claquée.

— Agent Burns, je connais Tucker depuis l'enfance. Je puis vous certifier que, malgré tout le ressentiment qu'il pouvait éprouver contre Edda Lou, jamais il n'aurait été capable de la tuer.

Burns se contenta d'éteindre le Dictaphone.

— N'est-il pas heureux que vous disposiez avec moi d'un regard objectif? dit-il. Mais je crois qu'il est temps d'aller poursuivre notre enquête aux pompes funèbres, shérif. Le légiste doit arriver d'un instant à l'autre.

 

Tucker se sentait à deux doigts de craquer. Son seul crime avait été de se mêler de ses propres affaires et de vivre sa vie. Et qu'en avait-il retiré? Des côtes fêlées, un œil tuméfié et, maintenant, le soupçon d'être un meurtrier.

Il sortit en trombe d'Innocence et fit grimper la voiture jusqu'à cent trente.

Et tout ça à cause des femmes, se dit-il. Si Edda Lou n'était pas venue se frotter à lui toutes les satanées fois où il avait franchi la porte de chez Larsson, il ne se serait pas mis à sortir avec elle. Et si Délia ne l'avait pas harcelé, il ne serait pas descendu en ville pour tomber dans le piège d'Edda Lou. Et si cette Caroline Waverly n'était pas venue rôder dans le bayou, elle ne l'aurait pas vu assis près de l'étang. L'air « tendu et bouleversé ».

Dieu savait pourtant qu'il avait le droit de faire cette tête.

Ce qui était arrivé à Edda Lou le rendait malade, malade à en vomir. Aussi fourbe fût-elle, elle ne méritait pas de mourir. Mais, sacré bon sang, il ne voyait pas pourquoi lui-même aurait dû s'en repentir. Et rester assis, là, sans broncher, alors que ce salaud de collet monté yankee l'asticotait avec toutes ces questions et ses petits airs de flic.

Encore un euphémisme, songea-t-il en négociant un virage. Car ce qui l'avait mis hors de lui, c'était bien ce regard hautain du caïd de la grande ville sur le péquenot un peu demeuré.

Caroline Waverly l'avait toisé du même air suffisant. Elle avait probablement couru rapporter au FBI qu'elle avait vu l'idiot du village en train de manigancer un meurtre dans les marais.

Tucker venait juste de dépasser l'allée menant chez les McNair. Il enfonça aussitôt la pédale de frein. Sa voiture fit un tête-à-queue, les pneus hurlant sur le bitume. Il allait dire deux mots à Mme la duchesse.

Il repartit dans un nuage de poussière, sans remarquer la camionnette qui descendait la côte en bringuebalant. Les yeux d'Austin, soudain assombris, se plissèrent en direction de l'éclair rouge qui venait de s'évanouir dans les fourrés. Ses lèvres se retroussèrent en un sourire tandis qu'il se rangeait sur le bas-côté.

Eteignant son moteur, il remit les clés dans sa poche et se saisit d'une boîte de cirage noir. Puis, devant le rétroviseur, il se traça deux lignes sombres sous les yeux et coiffa son bonnet de camouflage. Sur le râtelier de la lunette arrière, il choisit un Remington Woodsmaster, et vérifia que l'arme était chargée. Il souriait toujours lorsqu'il descendit du véhicule en tenue de chasse, son couteau fraîchement affûté logé dans sa cartouchière. Il allait traquer le gibier. Pour la gloire du Seigneur.

*

*   *

La solitude ne déplaisait pas à Caroline. Bien qu'elle eût apprécié la compagnie de Susie, l'énergie débordante de cette dernière l'avait pratiquement épuisée. En outre, elle ne croyait guère que quelqu'un fût sur le point de pénétrer par effraction chez elle pour venir la tuer dans son sommeil. Elle était une étrangère, et personne ne la connaissait assez pour lui vouloir du mal. Maintenant que le revolver était remisé dans le râtelier, elle n'avait plus aucune intention d'y toucher.

Pour se faire plaisir, elle prit son violon. Elle avait juste eu le temps de l'accorder depuis son arrivée. Ses mains caressèrent le bois poli et soyeux, s'égarèrent un instant sur les cordes. Ce n'était pas un exercice, se dit-elle en passant de la colophane sur l'archet. Ce n'était pas non plus un récital. C'était le besoin profond, que le poids de ses obligations étouffait souvent, de jouer de la musique pour elle-même.

Les yeux clos, elle posa l'instrument sur son épaule et mit instinctivement sa tête et son corps en position, comme l'eût fait une femme pour accueillir son amant.

Elle choisit du Chopin pour la beauté, pour la paix, et pour cette vague tristesse qu'elle ne pouvait totalement évacuer. Comme toujours, la musique combla tous les vides.

Elle ne pensait pas à la mort en cet instant, ni à la peur. Elle ne pensait pas à l'infidèle Luis, ni à la famille qu'elle avait perdue ou ignorée. Elle ne pensait même pas à la musique : elle la ressentait.

Et cette musique-là sonnait comme des sanglots, pensa Tucker en marchant de sa voiture à la véranda. Des sanglots non pas brûlants et passionnés, mais longs et douloureux. De ceux qui s'écoulent d'une âme blessée.

Quoique nul ne pût les surprendre, Tucker se sentit gêné de ces pensées. Ce n'était que de la musique pour violon, de ce genre alangui qui ne vous donnait même pas envie de taper du pied en mesure. Mais cela avait des accents si bouleversants en s'échappant ainsi des fenêtres ouvertes qu'il sentait presque les notes frémissantes lui caresser la peau.

Il frappa à la porte, mais si doucement qu'il entendit à peine le coup lui-même. Puis il se saisit de la poignée, ouvrit la moustiquaire et s'avança à l'intérieur, se déplaçant doucement, guidé par la mélodie entêtante jusque dans le salon.

Elle était debout au centre de la pièce, face aux fenêtres. Il la voyait de profil, la tête légèrement inclinée sur l'instrument. Ses yeux étaient clos, et le sourire dessiné par ses lèvres était aussi mélancolique et adorable que la musique.

Il glissa ses mains dans ses poches, appuya une épaule contre le chambranle et se laissa porter sur les ailes de son inspiration. C'était pour lui une impression singulière, et indubitablement nouvelle, que de pouvoir trouver à une femme un charme si apaisant et si suave, une séduction si profonde, sans que cela eût rien à voir avec le sexe.

Lorsqu'elle s'arrêta, que la musique se fondit dans le silence, il ressentit une déception vive, presque physique. S'il avait été avisé, il se serait retiré discrètement, tant qu'elle était encore dans son rêve, pour aller frapper de nouveau à la porte. Mais son émotion l'emportant, il applaudit.

Elle sursauta, tout le corps aux aguets. Sur ses yeux, d'abord emplis de terreur, ses paupières se plissèrent bientôt en une expression d'irritation pure et simple.

— Que diable faites-vous ici ?

— J'ai frappé.

Il lui adressa le même petit haussement d'épaules et le même sourire dont il l'avait déjà gratifiée près de l'étang.

— Vous étiez trop concentrée pour m'entendre, j'imagine.

Elle abaissa le violon, l'archet au poing, comme s'il s'était agi d'un sabre.

— Ou peut-être ne voulais-je pas être dérangée.

— Ah, je n'y ai pas pensé. J'aime la musique. D'habitude, je donne plutôt dans le Rythm'n'Blues, et un peu dans le jazz aussi, mais ça, c'était quelque chose. Pas étonnant que vous en viviez.

Tout en gardant un œil sur lui, elle reposa le violon.

— Quel fascinant compliment !

— Je suis honnête, c'est tout. Vous me rappelez un bibelot de maman, une perle prise dans un gros morceau d'ambre. Un truc adorable, mais triste aussi. La perle était toute seule là-dedans, sans aucune chance d'en sortir. Vous lui ressemblez quand vous jouez. Vous jouez toujours des airs tristes?

— Je joue ce qui me plaît.

Les entailles du jeune homme s'étaient épanouies depuis la veille. Elles donnaient à son visage un air canaille et menaçant, avec juste ce qu'il fallait de fragilité enfantine pour qu'une femme eût l'envie d'appliquer quelque chose de frais — ses lèvres, peut-être — sur sa chair tuméfiée.

— Avez-vous une raison pour pénétrer dans ma maison sans y avoir été invité, monsieur Longstreet?

— Appelez-moi Tucker, ça ne vous coûtera pas plus. Moi, je vous appellerai Caroline. Ou Caro.

Ses dents étincelèrent.

— C'est ainsi que Mme Edith vous appelait. J'adore ce nom.

— Ce qui ne répond pas à ma question.

Il se détacha du chambranle.

— Par ici, on a plutôt tendance à débarquer les uns chez les autres sans raison. Mais moi, c'est vrai, j'en avais une. Hmm, vous allez quand même me prier de m'asseoir?

Elle pencha la tête.

— Non.

— Mazette ! Plus vous faites votre tête, plus je vous adore. J'ai l'esprit pervers, voyez-vous.

— Rien que l'esprit?

Il gloussa et s'assit sur le bras du canapé.

— Pour cela, il faudrait d'abord qu'on se connaisse un peu mieux. On vous a peut-être dit que j'étais un homme facile, Caroline, mais j'ai mes exigences.

— Vous m'en voyez grandement soulagée.

Elle tapota l'archet contre la paume de sa main.

— Et si nous en revenions à la raison de votre visite ?

Il posa nonchalamment un pied sur son genou, aussi complètement à l'aise qu'un braque dans une flaque d'ombre verte.

— Seigneur, j'adore votre façon de parler. C'est frais et bon comme une coupe de sorbet à la pêche. Je suis vraiment fana des sorbets à la pêche.

Sentant ses lèvres ébaucher un sourire, Caroline se réfugia dans une attitude renfrognée.

— Pour l'heure, vos goûts culinaires ne m'intéressent guère, monsieur Longstreet, pas plus que je ne suis disposée à entretenir une conversation. Je viens de traverser des moments difficiles.

L'humeur badine de Tucker s'évanouit aussitôt.

— Cela a été dur pour vous de trouver Edda Lou dans cet état.

— Elle-même a connu pire, je dirais.

Il se releva et prit une cigarette tout en faisant les cent pas.

— Vous avez beau n'être ici que depuis quelques jours, vous serez bientôt au courant de tous les bruits qui courent.

Malgré ses efforts, elle ne put se retenir d'esquisser une moue compatissante. Il n'était jamais aisé de voir sa vie privée, comme ses erreurs intimes, devenir le sujet de spéculations effrénées. Elle le savait.

— Si vous entendez que, par ici, les cancans sont aussi étouffants que la chaleur, je n'en disconviendrai pas.

— Vous pouvez penser de moi ce que vous voulez, j'ai encore mon mot à dire.

Elle haussa les sourcils.

— Je vois mal en quoi mes réflexions vous regardent.

— Elles me regardent dans la mesure où vous en faites part à ce Yankee aux chaussures brillantes.

Elle resta coite un moment. Sa manière de déambuler dans la pièce exprimait une frustration plus qu'un ressentiment violent. Elle se détendit assez pour reposer son archet.

— Si vous voulez parler de l'agent Burns, je lui ai déclaré ce que j'avais vu. Que vous étiez près de l'étang.

Il tourna brusquement la tête.

— Bien sûr que j'y étais, sacré bon sang. Mais avais-je l'air de manigancer un meurtre?

— Vous aviez l'air en colère, répliqua-t-elle. Quant à ce que vous maniganciez, je n'en ai aucune idée.

Il s'arrêta, se retourna et esquissa un pas vers elle.

— Si vous pensez que c'est moi qui ai fait ça à Edda Lou, pourquoi diable restez-vous là à me parler au lieu de vous enfuir en courant?

Elle redressa vivement le menton.

— Je n'ai pas peur. Puisque j'ai déjà dit à la police tout ce que je savais — c'est-à-dire presque rien —, vous n'avez aucune raison de me faire du mal.

— Gente dame, reprit-il en serrant les poings, continuez à me regarder comme si j'étais une sorte de caillou que vous videz de votre chaussure, et je pourrais bien me trouver une raison ou deux pour cela.

— Epargnez-moi vos menaces.

Une subite poussée d'adrénaline la fit avancer vers Tucker jusqu'à ce qu'elle se retrouvât pratiquement nez à nez avec lui.

— Je connais votre genre, Tucker. Cela vous met en rogne que je ne me roule pas par terre pour attirer votre attention. Cela chagrine votre orgueil de mâle. Et dès qu'il y en a une qui s'intéresse à vous, comme cette Edda Lou, vous la culbutez sans attendre. D'une manière ou d'une autre.

Ce qui était suffisamment proche de la vérité pour faire mouche.

— Mon chou, les femmes, ça va, ça vient. Je n'y accorde pas autant d'attention que vous semblez le croire. Je ne leur cours pas après et je les tue encore moins. Maintenant, pour ce qui est de vous rouler par terre... Seigneur !

Elle réussit à articuler un cri bref tandis qu'il la saisissait à bras-le-corps et la jetait au sol. Il atterrit sur elle d'un bloc, lui coupant littéralement le souffle. C'est alors qu'elle entendit la détonation, et pensa un instant que c'était le bruit de sa tête heurtant le plancher.

— Que diable croyez-vous...

— Restez couchée. Doux Jésus sur la croix.

Le visage de Tucker n'était qu'à quelques centimètres du sien, et elle distinguait dans ses yeux une lueur qui aurait pu aussi bien être de la peur que de la fourberie.

— Si vous ne vous écartez pas sur-le-champ...

Quel que fût le contenu de sa menace, elle l'oublia aussitôt en entendant la détonation suivante et en voyant une balle perforer le dossier du canapé juste au-dessus de leurs têtes.

— Mon Dieu ! s'exclama-t-elle en enfonçant ses doigts dans les bras de Tucker. Quelqu'un nous tire dessus !

— Vous avez tout compris, ma douce.

— Qu'allons-nous faire?

— Nous pourrions rester ainsi en priant le ciel qu'il s'en aille. Mais il ne s'en ira pas.

Avec un soupir, il approcha son front du sien en un geste curieusement intime.

— Zut. Il est assez dingue pour vous tuer avec moi en s'imaginant que telle est la volonté du Seigneur.

— Qui?

Elle lui tambourina sur le dos.

— Qui donc?

— Le papa d'Edda Lou.

Tucker releva la tête une fraction de seconde. Etant donné les circonstances, il ne s'appesantit pas sur le fait que la bouche de la jeune femme s'offrait à lui tel un fruit mûr et charnu. Il le nota — mais sans s'y attarder.

— La femme qui a été assassinée ? C'est son père, là-dehors, qui est en train de nous tirer dessus?

— Sur moi, très probablement. Mais ça ne le gênerait pas trop de vous descendre par la même occasion. J'ai juste eu le temps de l'apercevoir par la fenêtre en train de me viser entre les deux yeux.

— C'est dingue ! Personne ne peut venir comme ça tirer sur la maison de quelqu'un.

— Soyez assuré que je le lui signalerai dès que j'en aurai l'occasion.

Pour l'heure, il n'y avait qu'une chose à faire, et cette chose le révulsait.

— Vous avez une arme ici?

— Oui. Il y a celles de mon grand-père. Dans le bureau, de l'autre côté du couloir.

— Alors, écoutez-moi bien. Vous, vous restez couchée et vous gardez le silence.

— Comptez sur moi, dit-elle en hochant la tête.

Tandis qu'il s'écartait d'elle, la jeune femme l'agrippa par la chemise.

— Allez-vous lui tirer dessus?

— Seigneur, j'espère que non.

Il rampa vers le couloir en se servant du canapé comme abri, puis il prit une inspiration et se risqua à découvert. Lorsqu'il atteignit l'entrée, il s'estima assez loin de Caroline pour ne pas attirer de coups de feu sur elle.

— Austin, espèce de salaud, il y a une femme ici.

— Ma fille aussi était une femme.

Une troisième décharge de 44 mm fit voler les vitres en éclats.

— Je vais te tuer, Longstreet. « Car voici l'heure de la vengeance du Seigneur. » Je vais te tuer. Et puis je te couperai en morceaux, exactement comme tu as fait à Edda Lou.

Tucker pressa ses poignets contre ses paupières en réfléchissant.

— Tu ne veux pas faire du mal à la dame, tout de même? lança-t-il finalement.

— Sais pas si c'est une dame. C'est peut-être qu'une autre de tes putains. Le Seigneur guide ma main. Œil pour œil, dent pour dent. « Car le Seigneur ton Dieu est un feu dévorant. Et le prix du péché est la mort. »

Tucker profita de ce qu'Austin citait les Ecritures pour traverser à plat ventre le couloir. Une fois dans le bureau, il agit sans tarder. Se saisissant d'un Remington, il le chargea, les mains moites, le cœur soulevé de dégoût à l'idée qu'il eût à s'en servir. Puis il alla à la fenêtre, écarta la moustiquaire et se faufila dehors.

Il y eut encore une détonation, qui lui fit bredouiller une rapide prière, et il se rua la tête la première dans les fourrés.

Austin avait pris position contre un érable, à deux cents mètres à peine de la maison. Des traînées de sueur lui sillonnaient le visage et trempaient le dos de sa veste kaki. Il invoquait Jésus, assaisonnant prières et menaces de coups de fusil. Toutes les fenêtres de la façade furent bientôt brisées.

Il était déchaîné, et prêt à donner tout de suite l'assaut final. Mais il voulait, il désirait ardemment s'assurer que Tucker était en train de souffrir. Voilà plus de trente ans qu'il attendait une occasion de se venger d'un Longstreet. Et cette occasion, il l'avait enfin trouvée.

— Je vais te faire sauter les noix, Tucker. Comme le mérite tout fornicateur. Tu iras en enfer sans queue. Telle est la volonté de Dieu. Tu m'entends, pécheur impie? Tu entends ce que je te dis?

Avec quelque remords, Tucker appuya le canon du fusil contre l'oreille gauche d'Austin.

— Je t'entends. Pas besoin de crier.

Il espérait qu'Austin ne remarquerait point le frémissement de l'arme entre ses mains tremblantes.

— Pose ce fusil, Austin, ou je te loge une balle dans le crâne. Crois-moi, cela me fera de la peine. Tu seras mort, certes, mais ta chemise sera bonne à jeter à la poubelle. Or elle est quasiment neuve.

— Je vais te tuer.

Austin voulut tourner la tête. Tucker la lui remit en place d'un rude coup de canon.

— Pour aujourd'hui, c'est raté. Maintenant, tu jettes ce fusil et tu enlèves la cartouchière. Et doucement, je te prie. Sans geste brusque.

Voyant Austin hésiter, Tucker l'encouragea d'une deuxième poussée. Il eut à l'esprit l'image grotesque du canon s'enfonçant droit dans le crâne du bonhomme pour resurgir par l'autre oreille.

— Je sais que je ne suis pas un as de la gâchette, mais je ne peux quand même pas te louper avec mon canon sur ta tempe.

Il vit Austin jeter le fusil. Sa respiration se fit plus aisée.

— Caroline, cria-t-il, appelez Burke et demandez-lui de rappliquer au pas de course. Et puis apportez-moi une corde.

La cartouchière avait à peine touché le sol qu'il l'éloigna d'un coup de pied.

— Et maintenant, que disais-tu au sujet de ma queue, Austin ?

Deux minutes plus tard, Caroline se précipitait hors de la maison avec une corde à linge.

— Il arrive. Je viens juste de...

Sa voix mourut lorsqu'elle aperçut l'homme étendu dans l'herbe. Son visage était maculé de coulées noires. Sa tenue de camouflage se tendait sur un torse large comme une citerne et des jambes aussi épaisses que des poutrelles d'acier. Bien que Tucker se tînt au-dessus de lui, le canon pointé sur sa nuque, et qu'il fût le plus jeune des deux, il semblait en comparaison fragile et mince comme un cure-dent.

— J'ai... apporté... la corde, murmura-t-elle tout en déglutissant pour raffermir sa voix.

— Bien. Voulez-vous le ficeler, mon chou ?

Caroline passa au large d'Austin en s'humectant les lèvres.

— Comment voulez-vous... je veux dire, il est si grand.

— Grande gueule, aussi.

Il ne put résister au plaisir de donner un léger coup de pied à Austin.

— Il était si occupé à vociférer ses imprécations qu'il n'a pas entendu le pécheur arriver par-derrière. Savez-vous utiliser ce joujou ?

— Oui, répondit Caroline en considérant le fusil. Enfin, plus ou moins.

— Alors ce sera plutôt plus que moins. N'est-ce pas, Austin ? Mademoiselle est à même de te faire sauter quelque organe vital si tu te trémousses un peu trop. Rien n'est plus dangereux qu'une femme avec un fusil chargé. Sinon une femme yankee... Bon, pointez-lui seulement l'engin sur la tête pendant que je le ligote.

Il lui poussa l'arme dans les mains. Leurs yeux se rencontrèrent et échangèrent un regard de soulagement éperdu. L'espace d'un instant, ils furent unis par la plus fulgurante des amitiés.

— Oui, comme ça, ma douce. Et ne va pas le braquer sur moi. Maintenant, s'il bouge, tu n'as qu'à presser sur la détente. Et puis fermer les yeux, parce que le spectacle risque d'être assez moche.

Il lui fit un clin d'œil si appuyé que la jeune femme comprit que l'avertissement s'adressait plus à Austin qu'à elle-même.

— D'accord, dit-elle. Mais j'ai les mains qui tremblent, et je crains d'appuyer dessus sans le vouloir.

Tucker, l'air hilare, se pencha vers Austin pour lui ligoter les mains.

— Fais ce que tu peux, Caro. On ne t'en demande guère plus. Je vais te tresser une mignonne petite culotte de chanvre, Austin. Ça va t'aller comme un gant.

Il noua la corde et tira dessus pour replier les jambes massives du bonhomme.

— C'est pas beau d'avoir cassé toutes les vitres de la dame. Tu as aussi abîmé son canapé. Si mes souvenirs sont bons, Mme Edith était très attachée à ce canapé.

Il se recula et reprit l'arme des mains de Caroline.

— Chérie, aurais-tu l'amabilité d'aller me chercher une bière? Tout cela m'a donné grand-soif.

Caroline se sentit prise d'un fou rire délirant.

— Je n'ai pas... pas de bière, bafouilla-t-elle. J'ai du... du vin. Du chardonnay.

— Ça ira très bien.

— Bon. Je... tout de suite.

Elle remonta l'escalier sous la véranda et jeta un coup d'œil en arrière, juste au moment où Tucker sortait une cigarette de son paquet et en arrachait un morceau. Elle porta une main à sa tête.

— Pourquoi fais-tu cela? lui cria-t-elle.

— Hmm? fit-il en craquant une allumette, les yeux plissés.

— Enlever un morceau...

— Oh.

Il aspira une bouffée de tabac avec un plaisir manifeste.

— C'est pour m'arrêter de fumer, dit-il. Ça semble un moyen sensé d'y arriver, non ? Je pense que, dans quelques semaines, j'en serai réduit à une demi-bouffée par prise.

Il lui sourit. Son visage, même s'il était pâle comme la mort, restait terriblement séduisant.

— Tu mets ce chardonnay dans un grand verre pour moi, d'accord?

— Oui.

Elle poussa un soupir frémissant en entendant le hurlement d'une sirène. Tucker était assez proche d'elle pour qu'elle entendît un soupir identique s'échapper de ses lèvres.

— Oh oui, répéta-t-elle.

La moustiquaire se referma derrière elle en claquant.

 

Coupable Innocence
titlepage.xhtml
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_000.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_001.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_002.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_003.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_004.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_005.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_006.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_007.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_008.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_009.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_010.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_011.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_012.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_013.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_014.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_015.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_016.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_017.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_018.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_019.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_020.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_021.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_022.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_023.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_024.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_025.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_026.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_027.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_028.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_029.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_030.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_031.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_032.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_033.htm
Coupable Innocence - Nora Roberts_split_034.htm